La réforme des pensions en cours : quatre spécialistes approfondissent le sujet

Au cours du NN Pension Day, quatre experts du marché du travail et des retraites se sont affrontés dans un débat passionnant.  Rika Coppens (CEO de House of HR), le Prof. Dr. Yves Stevens (KULeuven), l’économiste Bruno Colmant et la présidente de l’Open VLD Eva De Bleeker ont exposé leur point de vue sur les problèmes auxquels notre système des retraites est confronté et sur les réformes annoncées dans l’accord de gouvernement.  Nous nous faisons un plaisir de partager avec vous quelques points-clés du débat.

NN Pension Day 2025
Dans cet article

    Des pensions légales abordables

    Les quatre membres du panel étaient en tout cas d’accord sur un point : une réforme en profondeur est nécessaire pour que les retraites restent abordables à long terme.  Rika Coppens s’est même demandé si l’âge légal de la retraite de 67 ans est encore viable à long terme, si nous voulons pouvoir continuer à payer les pensions à l’avenir.

    Eva De Bleeker a déclaré que l’accord de coalition s’appuie sur des réformes précédentes : "Il contient beaucoup de bonnes mesures, mais parfois, la réforme aurait pu aller beaucoup plus loin".  Une idée que le Prof. Dr. Yves Stevens nuance : « Dans une réforme des retraites, il est nécessaire de rechercher de nombreux équilibres. Pour beaucoup de gens, le fait de travailler plus longtemps est une chose très sensible. On ne peut pas brusquer les réformes des retraites, il faut les réaliser étape par étape. Une révolution ne fonctionne pas dans le cadre d’un paysage des retraites.

    Bruno Colmant poursuit dans la même ligne : "Les discussions sur les retraites sont également liées au débat sur l’organisation du marché du travail et sur la lutte contre la pauvreté. Ce sont tous des thèmes complexes." Eva De Bleeker est d’accord : "Par exemple, la pauvreté est certainement un risque réel pour les indépendants à la retraite. C’est pourquoi l’augmentation des pensions légales minimales par le gouvernement précédent est certainement une bonne mesure.

    On s’attend à ce que les réformes des pensions légales soient adoptées assez rapidement et en un seul ensemble.  Pour ce qui est de la pension complémentaire, c’est toujours la bouteille à l'encre.  Beaucoup de modalités doivent encore être examinées et on est loin d’être certain de l’orientation que prendront réellement les réformes.

     

    Harmonisation des régimes de retraite

    La pension des indépendants

    Les pensions légales moyennes des indépendants sont beaucoup plus faibles que celles des salariés, et encore beaucoup réduites que celle des fonctionnaires.  "Un indépendant doit épargner 600.000 euros au cours de sa carrière pour avoir une pension égale à la pension légale moyenne d’un fonctionnaire. « Essayez seulement », dit Eva De Bleecker. Elle plaide pour le renforcement de la pension légale des indépendants, mais se rend également compte que l’abordabilité des pensions est en soi une question difficile.

     

    Revoir et augmenter les cotisations sociales

    Un des aspects centraux de l’abordabilité des pensions légales est le modèle de revenus.  Actuellement, les pensions légales ne sont couvertes qu’aux 2/3 par les cotisations sociales.  "À terme, des cotisations et des impôts plus élevés sont dès lors inévitables", a déclaré Bruno Colmant.  Le Prof. Dr. Yves Stevens est d’accord pour dire que le financement par les cotisations sociales doit être revu.  « Il existe aujourd’hui 104 avantages salariaux différents qui ont leurs propres mécanismes de solidarité.  C’est très complexe.  Le gouvernement souhaite harmoniser les différents systèmes de retraite.  C’est ce que l’on appelle aussi la neutralité des formes de travail  pour les pensions : indépendamment du statut pendant la carrière, la pension légale doit être calculée de la même manière.  Mais dans ce cas, tout le monde doit aussi payer les mêmes cotisations sociales, et le système de sécurité sociale des indépendants est totalement mis sens dessus dessous. Un exercice très difficile ... ».

     

    Les flexi-jobs

    Un paramètre crucial pour préserver le financement du système des retraites légales est que les gens continuent à travailler plus longtemps.  Rika Coppens voit déjà une tendance positive : « Le nombre de personnes de plus de 60 ans qui s’inscrivent pour des flexi-jobs augmente systématiquement. Par leur flexibilité et de leur accessibilité, les flexi-jobs incitent les gens à travailler plus longtemps.  C’est une bonne chose : les travailleurs âgés continuent de travailler plus longtemps, se sentent toujours impliqués dans la société et restent en bonne santé plus longtemps.  Même après leur retraite, de plus en plus de gens ont un flexi-job.  Si ce système est encore étendu à d’autres secteurs, cette tendance ne changera certainement pas. »

     

    Revoir l’ancienneté

    Les travailleurs plus âgés ne sont pas nécessairement moins productifs, mais ils coûtent certainement beaucoup plus cher que leurs collègues plus jeunes.  Cela signifie que les employeurs choisissent parfois des collaborateurs plus jeunes.  Eva De Bleeker ne plaide pas pour des mesures qui poussent les entreprises dans une certaine direction : "Laissons les entreprises déterminer elles-mêmes leur propre voie. »

     

    Un bonus ou un malus, cela fonctionne-t-il ?

    L’accord gouvernemental prévoit un bonus pension pour ceux qui travaillent plus longtemps et un malus pour ceux qui arrêtent de travailler plus tôt que prévu.  Cela aura-t-il un impact ?  Pour le Prof. Dr. Yves Stevens : « Est-ce juste ?  Nous ne le savons pas. Un certain bonus est-il assez important pour convaincre les gens de continuer à travailler ?  Un certain malus est-il assez fort pour empêcher les gens d’arrêter plus tôt ? L’avenir nous le dira.”

    Selon Rika Coppens, il serait bon, pour les employés plus âgés, de cesser de parler de 'licenciement', mais plutôt de 'transition'.  Ce serait alors par exemple une voie pour utiliser une partie de l’indemnité de départ pour se préparer à un autre emploi.

     

    Réactiver les absents de longue durée

    Un autre grave problème est la présence sur notre marché du travail d’un grand nombre de malades de longue durée.  Rika Coppens a une vision claire à ce sujet : "Je pense qu’il est essentiel, pour définir la pension légale, de se baser sur le nombre d’années de carrière, et non sur l’âge des personnes.  Je préconise donc une plus grande flexibilité des carrières.  Toute personne qui désire prendre un congé sabbatique d’un an ou qui veut travailler moins pendant une certaine période pour s’occuper de sa famille, devrait pouvoir le faire.  Cette flexibilité ferait que les gens seraient moins rapidement épuisés, parce qu’ils auraient un meilleur contrôle de leur carrière.  Je suis convaincu que beaucoup de gens ont du mal à maintenir l’équilibre entre leur travail et leur vie privée. Une carrière plus flexible serait un levier important pour les maintenir en forme et au travail. »

    Bruno Colmant voit le salut dans une double approche : "D’une part, nous avons sans nul doute besoin de mesures préventives supplémentaires pour éviter que les gens ne fassent faux bond.  Mais en même temps, il est important que nous convainquions les employés qui sont « out » de retourner au travail.  Non seulement financièrement, mais également pour leur bien-être mental. »

    Eva De Bleeker regrette en tout cas que les employeurs continuent de payer pour une partie du salaire des salariés malades.  On ne regarde que ceux qui paient la facture, c’est-à-dire les employeurs.  Il est important de travailler aussi à une réinsertion rapide.

     

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