Que peut-on attendre des marchés financiers dans les mois à venir ?

Au cours du NN Invest Day 2024, le 16 mai 2024, les représentants de cinq maisons de fonds ont croisé le fer au cours d'un débat au sujet de la situation et des perspectives sur les marchés financiers. Vous lirez ici un compte rendu avec quelques points forts du débat.

NN Fondsendebat 2024
Dans cet article

    Pendant longtemps, on s'est attendu à une récession aux États-Unis. Se profile-t-elle vraiment ?

    Vincent Juvyns (Executive Director chez JP Morgan) : Je crois que nous nous dirigeons vers un atterrissage en douceur. Le pouvoir d'achat des gens aux États-Unis s'améliore et le climat pour la consommation est donc favorable. En outre, les Américains voyageant à travers l’Europe ont stimulé les économies européennes, le gouvernement américain dépense beaucoup d’argent et les États-Unis sont le plus grand producteur de pétrole au monde. Il y a donc de nombreux éléments pour soutenir la croissance de l’économie américaine. Je pense aussi que l’économie américaine continuera à faire preuve de résilience dans les années à venir.

    Julie Dickson (Executive Director chez Capital Group) : Il n’y a en effet pas de récession globale aux États-Unis, mais bien dans des secteurs tels que celui des voyages et le marché immobilier. Cela persiste dans des secteurs comme l’éducation, les loyers et les frais médicaux.  On se demande donc si la Banque centrale américaine va baisser les taux d’intérêt cette année.

    Tobias Schafföner (Executive Board Member chez Flossbach von Storch) : Il y a à l'heure actuelle plus de 160 millions de salariés aux États-Unis. Cela représente 2 % de plus qu'il y a un an, et ils gagnent 4 à 5 % de plus. Les Américains peuvent donc aussi plus dépenser.

    Joerg Held (Head of Portfolio Management chez Ethenea) :  Je crois également que l’image positive de l’économie américaine se maintiendra, même si c’est une année électorale. L’Amérique est actuellement un endroit sûr pour les investisseurs.

    Julien-Pierre Nouen (Director of Research, Asset Allocation & Diversified Investments chez Lazard) : À court terme, les perspectives pour l’économie américaine sont certainement bonnes. Cependant, le marché du travail reste serré et il y a des signes que les activités du secteur manufacturier augmentent à nouveau. Cela pourrait mettre plus de pression sur les salaires, alors que l’inflation n’est pas encore complètement résolue.  Il y a donc une possibilité que la Banque centrale américaine maintienne les taux d’intérêt élevés un peu plus longtemps.

     

    La consommation chinoise n’a pas augmenté aussi fortement que prévu dans la période post-COVID-19. Comment considérez-vous la situation de la Chine ?

    Joerg Held : Le PIB chinois augmente, de façon incroyable, de 5,1 %, mais la production industrielle ralentit et le commerce de détail et les consommateurs se retiennent. Cela entraîne une crise de confiance, à laquelle le gouvernement chinois doit s’attaquer.  

    Vincent Juvyns : Il est vrai que de nombreux pays font peu confiance à la Chine. Depuis la pandémie de COVID-19, il est également très difficile de savoir où va exactement la Chine.

     

    Le Japon, en revanche, a été une exception positive au cours des derniers trimestres.

    Tobias Schafföner : Bien que le taux de chômage soit inférieur à 4 % depuis dix ans, la consommation n’a pas augmenté. Il n’y a pas de pression sur l’inflation, ni sur les salaires. De plus, la population diminue et la main-d’œuvre diminue également. Les perspectives pour l’économie japonaise ne sont donc pas si positives.

     

    En ce qui concerne l'Europe, l’écart entre notre croissance et celle des États-Unis est important.  Est-ce une source de préoccupations ?

    Julie Dickson : Je suis en tout cas enthousiaste quant au potentiel de croissance des bénéfices. Les valorisations sur les marchés boursiers européens sont également intéressantes. Il y a donc certainement des possibilités pour les investisseurs à long terme.

    Julien-Pierre Nouen : Il existe des différences claires entre les pays. L’Allemagne est en difficulté, mais l’Espagne et l’Italie se portent très bien, par exemple. Nous prévoyons donc une croissance légèrement plus élevée de l’économie européenne au cours du prochain trimestre.

    Vincent Juvyns : Institutionnellement, l'Europe est plus forte qu'il y a 10 ans.

    Tobias Schafföner : Comme l’économie ne se porte pas très bien et que l’inflation est toujours à l'ordre du jour, la Banque centrale européenne (BCE) peut intervenir plus rapidement, avant la Fed.

    Julien-Pierre Nouen : Il y a de fortes chances que la première baisse des taux d’intérêt intervienne en juin.

    Joerg Held : Je crois que la BCE est dans une situation difficile. Les chiffres de l'inflation sont bons, mais l’économie reste relativement faible. Et parce que la Fed a indiqué qu’elle ne diminuera pas trop rapidement, cela a également un impact sur l’Europe.

    Julie Dickson : Je crois en effet que la BCE examinera certainement ce que vont faire les collègues de la Fed.

    Vincent Juvyns : La baisse des taux d’intérêt aura lieu. Si pas en juin, ce sera en septembre.

     

    La politique fiscale s’orientera-t-elle dans les mois à venir vers la consolidation fiscale, ou devrons-nous, comme l’a dit Mario Draghi, tenir compte de déficits importants au cours des prochaines années ?

    Tobias Schafföner : Si vous regardez les défis auxquels l’Europe est confrontée, vous réalisez que les gouvernements dépenseront beaucoup d’argent pour la politique sociale et la défense. La retenue n’est pas une option.

    Vincent Juvyns : Une grande attention sera cependant accordée à une réduction des déficits budgétaires, parce que de nombreux pays doivent tout simplement supporter un fardeau  trop élevé des intérêts.

     

    Comment considérez-vous la mondialisation ou la démondialisation ?

    Julie Dickson : Je parlerais maintenant plutôt de remondialisation. Pendant la pandémie de COVID-19, il s’est avéré qu’une grande partie de la production provenait de la Chine. Depuis, de nombreuses entreprises ont transféré une partie de leur production vers d’autres pays, comme l’Inde. En même temps, bon nombre d'entreprises déplacent des usines vers des endroits plus proches de la demande ; il s'agit de délocalisation de proximité ou nearshoring. J'appellerais donc de nombreuses entreprises plutôt multilocales que multinationales.

    Julien-Pierre Nouen : La Chine augmente sa capacité de production de biens, mais la demande intérieure ne suit pas, ce qui signifie que la Chine compte exporter ces produits. Nous serons donc confrontés en Europe à encore plus de produits chinois bon marché. Mais on se pose aussi de plus en plus de questions au sujet de l’offre importante provenant de Chine, de sorte que, par exemple, on réfléchit à la taxation des voitures électriques chinoises. Je pense que ce thème restera d’actualité dans les prochains mois.

    Tobias Schafföner : Le déplacement de la production de Chine vers d’autres pays peut également conduire à une efficacité moindre et à une inflation plus élevée.

     

    Allocation d'actifs. Quelles recommandations ou orientations donneriez-vous à vos clients ?

    Julien-Pierre Nouen : Les valorisations des actions en Europe sont attrayantes, surtout si vous considérez les petites capitalisations.

    Tobias Schafföner : Dans certains segments du marché, les valorisations sont exagérées. Au cours des dernières années, les actions semblaient être la seule solution. Aujourd’hui, vous pouvez aussi vous tourner vers les obligations, sans oublier l’or.

    Julie Dickson : Même les obligations "investment grade" donnent de bons rendements. Vous pouvez donc avoir un portefeuille équilibré avec beaucoup de dividendes versés, mais qui reste prudent et qui contient quelques actifs plus risqués. Les obligations vous garantissent une protection supplémentaire si les marchés boursiers restent volatiles.

    Joerg Held : Nous nous sentons bien avec le dollar américain, même si nous reconnaissons que les valorisations de certaines actions américaines sont trop élevées.  Nous croyons à l’élargissement de l’économie américaine et le fait que des taux d’intérêt à court terme vont jusqu’à 5 %, laisse la place à des alternatives supplémentaires.

    Vincent Juvyns : Il y a beaucoup d’incertitudes. La seule certitude, c’est que dans un an, les liquidités rapporteront moins qu’aujourd’hui. Il est donc important d’investir cet argent à long terme. Nous croyons toujours aux actions de la technologie et de l’IA, même si elles nous semblent assez coûteuses

     

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