Qu'est-il recommandé de faire actuellement, si vous êtes investisseur ?

2022 est une année difficile pour les investisseurs.  Les investisseurs dynamiques, tout comme les défensifs, voient leurs placements perdre de la valeur.  Mais les épargnants ou les détenteurs d'obligations sont également touchés de plein fouet.  Pascal Paepen, "lecturer" en Finances chez Thomas More et professeur Bank & Beurs à la KU Leuven, brosse le tableau du cadre économique et donne quelques conseils concrets aux investisseurs.

pascal paepen
Dans cet article

    “Derrière les nuages, le soleil brille”, affirme Pascal Paepen.  Les conseillers financiers sont de nos jours en quelque sorte des gestionnaires de crise pour leurs clients investisseurs.  Nous pouvons en effet parler de plusieurs crises qui convergent.

    • Le Covid-19 ne nous a pas encore quittés.  En Chine, par exemple le corona pèse encore sur l'activité économique et sur la confiance des consommateurs.
    • La guerre en Ukraine, avec la menace nucléaire sous-jacente, a un sérieux impact sur la production et le prix de l'énergie, des engrais et de l'alimentation.  Dans le prolongement de ceci, les tensions entre la Chine et Taiwan peuvent à l'avenir également entraîner des problèmes.
    • L'inflation a passé le cap des 10 %.  Et l'inflation sous-jacente augmente de la même façon.  Suite à cela, certaines banques centrales ont entamé une augmentation des taux, faisant que l'époque de l'emprunt gratuit est révolue.
    • Il y a des troubles sociaux concernant la baisse du pouvoir d'achat, l'accès au logement, la migration, la hausse des impôts, la politique, ...

    Nous sommes donc dans une tempête parfaite, mais dans une telle situation, les gens veulent savoir où ils peuvent s'abriter.  C'est une réaction logique, même si nous devons la nuancer.  Les gens aiment à se faire peur.  Les mauvaises nouvelles se vendent bien, les journaux et les nouvelles le prouvent tous les jours.  En outre, nous avons été confrontés à pas mal de crises au cours des 15 à 20 années écoulées :  la crise du crédit, la crise bancaire, la crise de la dette publique, la crise migratoire, la crise sanitaire, ...  On pourrait donc dire que c'est en quelque sorte toujours la crise.  Ce que nous vivons actuellement est peut-être exceptionnel, parce que beaucoup de choses coïncident.  En même temps, c'est aussi en partie l'histoire qui se répète.

     

    Il n'y a pas de récession grave en vue

    Le FMI prévoit bel et bien encore une croissance économique mondiale pour les années à venir.  La situation n'est donc pas aussi mauvaise qu'on la présente parfois, selon Paepen.  Cependant, un certain nombre de tendances et de situations constituent bien entendu une menace pour l'activité économique :  la pénurie d'énergie, l'impact de l'inflation sur le pouvoir d'achat et les marges, l'augmentation des taux d'intérêt, une escalade du conflit en Ukraine, ...  Tout cela entraîne un certain pessimisme chez les consommateurs, les investisseurs et les entreprises.  D'un autre côté, selon Paepen, nous avons bel et bien vu arriver bon nombre de ces évolutions.  Le marché de l'emploi est également très résiliant et l'économie est stimulée par les investissements croissants en énergie verte.  En outre, les pouvoirs publics continuent à soutenir l'économie et le taux d'intérêt réel est toujours très bas.  “Rien ne semble donc indiquer que nous nous dirigeons actuellement vers une longue et grave récession, même si cela peut bien sûr encore changer ”, affirme Paepen.

     

    D'où vient cette forte inflation ?

    Cette inflation faramineuse inquiète beaucoup de gens.  Mais d'où vient-elle exactement ?  Paepen discerne des effets à court et à long terme.  “À court terme, il y a l'impact de la politique Covid-19, la guerre en Ukraine, avec toutes les sanctions et représailles, l'euro faible et les adaptations de la politique monétaire, où les banques centrales sont prêtes à accepter une inflation un peu plus importante à cause de la problématique de la dette.  À long terme, nous pensons que l'inflation va encore un peu perdurer, même si elle va baisser.  La transition environnementale a cependant un coût, sous la forme d'impôts plus importants, de règles de production plus sévères, de productions agricoles plus faibles, d'une plus faible productivité des travailleurs, de pénuries en matières premières, ...  Si l'on considère cela sur une plus longue période, cette transition est certainement une bonne chose, mais à court terme, elle s'accompagne de coûts supplémentaires.  Tout comme la déglobalisation et le vieillissement de la population sont en soi des évolutions favorables, qui entraîneront toutefois pareillement des coûts supplémentaires.”

    De même, Paepen constate qu'il n'y a actuellement pas de méfiance vis-à-vis des banques centrales, même si celles-ci n'avaient pas annoncé la forte inflation et l'avaient initialement minimisée.  Les intérêts vont-ils encore augmenter à l'avenir ?  “Oui”, Paepen l'affirme résolument.  “Un taux d'intérêt beaucoup plus élevé n'est cependant que du "wishful thinking" pour rentiers.  Cela n'arrivera pas.  L'inflation va baisser. Un taux trop élevé met en effet l'économie en péril et peut conduire à une crise immobilière.  Pour cette raison, les banques centrales feront tout pour baisser l'inflation.  Est-ce une mauvaise nouvelle pour les investisseurs ? Pas nécessairement. L'histoire nous apprend que les marchés boursiers ont presque toujours été en hausse au cours des périodes où les banques centrales ont rehaussé le taux directeur.”

     

    Le moyen terme

    Selon Paepen, la guerre en Ukraine entraînera “plus d'investissements dans l'énergie durable et une plus faible dépendance de certains pays spécifiques pour certains produits.  D'autres tendances importantes sont la problématique climatique, les autres conflits géopolitiques (Chine-Taiwan), la cybersécurité, les troubles sociaux... mais aussi le lancement de beaucoup de nouvelles entreprises !  Chaque crise a dès lors ses avantages :  le Covid-19 a boosté le télétravail, l'Ukraine a accéléré la transition énergétique.  De même, il y a actuellement clairement une plus grande cohésion européenne qu'il y a quelques années.”

     

    Des bénéfices élevés pour les entreprises

    Une autre chose positive, c'est que les bénéfices des entreprises du S&P 500 sont toujours très élevés. Les perspectives de rentabilité des entreprises sont toujours très bonnes.  Les bénéfices ne sont clairement pas menacés par l'inflation.  Cela explique également pourquoi le marché du travail se porte si bien.

    “C'est vrai, il y a un certain nombre de menaces ;  il ne faut cependant pas les exagérer.  Ainsi, l'activité économique pourrait baisser, mais il n'y aura vraisemblablement pas de récession grave.  L'augmentation des salaires a un impact sur la structure des coûts des entreprises.  Cela est pourtant à son tour bon pour l'activité économique et la cohésion sociale.  Le fait que certaines marges pourraient baisser, est une chose positive pour la concurrence.  Chaque inconvénient a son avantage.  L'intérêt commun réside donc, à long terme, dans l'intérêt des actionnaires et des investisseurs.”

     

    Les perspectives pour les investisseurs

    Les marchés financiers sont très volatils en 2022.  La plupart des bourses connaissent des périodes de turbulences et beaucoup d'actions ont perdu en valeur au cours de 2022. Il est frappant de constater que les investisseurs dynamiques, tout comme les investisseurs défensifs, ont été touchés de plein fouet.  Les épargnants ont, eux aussi, perdu 10 % de pouvoir d'achat, tout comme ceux qui ont opté pour les obligations ont connu une perte de 10 % ou plus.

    “La bourse n'est aujourd'hui pas chère", déclare Pascal Paepen, “et ce, pour différentes raisons :

    • Nous connaissons actuellement un ratio cours/bénéfices assez normal.
    • Les actions européennes sont pour le moment même assez bon marché.  Nous sommes toutefois bien sûr confrontés sur notre continent à quelques facteurs de risque, comme la guerre en Ukraine et notre approvisionnement en énergie
    • La prime de risque réelle est plus ou moins restée stable, en comparaison avec les années écoulées.

    Les obligations sont-elles redevenues intéressantes ? Non, parce que le taux d'intérêt réel est négatif, même si l'inflation baissait au cours des années à venir.”

    Une telle baisse de la bourse est-elle exceptionnelle ? “Absolument pas. Nous voyons cela tous les 3,5 ans. Il y en a en effet eu 36 entre 1900 et aujourd'hui.  En moyenne, une telle baisse dure 10 mois, alors que la hausse qui suit dure en moyenne 33 mois.  La baisse moyenne est de 36 %, la hausse moyenne, de 112 %. Même acheter cher n'est pas du tout un problème, si vous avez le temps.  Vendre au cours d'une baisse entraîne à son tour des coûts d'opportunité élevés.  À ne pas faire, donc !  Conclusion :  il est toujours intéressant d'investir dans des actions, mais il faut le considérer à long terme.  Étaler est et reste donc dans ce cas très judicieux.”

     

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